A la stupéfaction générale, le dictateur gambien, au pouvoir depuis vingt-deux ans, a perdu l’élection présidentielle de jeudi et a reconnu sa défaite.
«Dictateur et fier de l’être», inscrivait en une l’hebdomadaire Jeune Afrique, en mai, à propos de celui qui est resté à la tête de la Gambie pendant vingt-deux ans. Le titre était une citation. Yahya Jammeh, 51 ans, était l’un des autocrates les plus fantasques du continent. A la surprise générale, ce vendredi, il a reconnu sa défaite à l’élection présidentielle de la veille et appelé le vainqueur, Adama Barrow, pour le féliciter. Son opposant a remporté 45,5% des voix, contre 36,6% pour le sortant, selon les résultats officiels annoncés par la Commission éléctorale. Des manifestations de joie ont éclaté à Banjul, la capitale, dans l’après-midi.
«Son Excellence Cheikh Professeur Alhaji Docteur Yahya AJJ Jammeh Babili Mansa», comme il aime se faire appeler, n’était qu’un simple lieutenant quand il renversa, avec une bande de jeunes officiers, le père de l’indépendance gambienne, Dawda Jawara, en juillet 1994, par la force mais sans faire couler le sang. Après quatre élections et de nombreux coups d’Etat déjoués, le putschiste semblait devenu indéboulonnable tant il dirigeait le pays d’une main de fer
Il avait quitté les rangs de l’armée en 1996, mais façonné un régime politique unique, basé sur le culte de sa propre personne et ses prétendus pouvoirs occultes. A l’époque, son uniforme de militaire laisse la place à un luxueux boubou blanc immaculé, devenu l’un de ses emblèmes. En public, le dictateur n’apparaît jamais non plus sans un Coran, un sceptre et un chapelet de prière.
Imprévisibles oukases
La presse est muselée, l’opposition soigneusement contrôlée. Des dizaines de voix critiques sont soumises à l’emprisonnement, la torture, voire disparaissent du jour au lendemain. «Il a une image internationale de bouffon sanguinaire, mais la violence qu’il employait était relativement ciblée, relève Vincent Foucher, chercheur au CNRS. Et même si le multipartisme était respecté, le niveau de contrôle sur la vie économique et de verrouillage politique était considérable. Yahya Jammeh jouait beaucoup sur les divisions au sein de l’opposition. C’est d’ailleurs la première fois, en 2016, qu’elle présentait un front uni contre lui, hormis un petit candidat de dernière minute, ancien du parti de Jammeh.»
Au fil des années, les saillies verbales du dictateur et ses imprévisibles oukases ont régulièrement fait remonter le nom de ce petit Etat, enclavé à l’intérieur du Sénégal, à la une des titres d’actualités. Yahya Jammeh a ainsi décrété du jour au lendemain l’interdiction du mariage des enfants ou de l’excision, en 2016, mais aussi l’exécution de tous les condamnés à mort (alors que la peine capitale n’était plus appliquée dans le pays) en 2012. Sans crier gare, en mars, il a aussi transformé ce pays balnéaire, réputé pour être une destination du tourisme sexuel, en République islamique. Selon sa biographie officielle, le Président a par ailleurs comme «disposition particulière» d’avoir «une vaste connaissance dans la médecine traditionnelle, surtout dans le traitement de l’asthme et de l’épilepsie». Il assure pouvoir «guérir» le sida, ou la stérilité, avec des plantes et des incantations mystiques.
«Où est le problème ?»
Mis au ban de la plupart des institutions internationales, violemment anti-occidental, il assénait cet été : «Ban Ki-moon peut aller en enfer.» Le secrétaire général de l’ONU avait eu le malheur de demander quelques jours plus tôt une enquête sur la mort en prison d’un opposant. «Des gens qui meurent en détention ou durant des interrogatoires, c’est très commun. Où est le problème ?» a rétorqué Yahya Jammeh, qui a retiré son pays de la Cour pénale internationale en octobre. «Les propos homophobes, la dénonciation du néocolonialisme dont il était coutumier, ont eu un temps une certaine valeur électorale, note Vincent Foucher. C’est un politicien habile, issu du petit peuple et qui tentait de jouer le populisme.»
En 2016, il semble que ses vieilles recettes n’aient pas suffi. D’autant qu’en quelques années, l’économie de cet «Etat-entrepôt», porte d’entrée vers l’Afrique de l’Ouest, «s’est cassé la figure», poursuit le chercheur. Les Gambiens quittent désormais leur pays par dizaines de milliers tous les ans. La défaite de Yahya Jammeh, ce vendredi, a pourtant pris tout le monde de court. A commencer, très certainement, par le dictateur lui-même. Mais le plus imprévisible a été sa réaction : il a félicité publiquement son adversaire dans la soirée, et la télévision nationale a retransmis son appel téléphonique à Barrow, cordial et détendu. Suprenant jusqu’au bout.
Liberation.fr
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