En six mois de gestion de l’Office National pour la Promotion de l’Emploi, l’ex-politico-militaire Abdallah Chidi Djorkodei, qui s’est insurgé pendant 20 ans contre la corruption, est devenu l’un des plus grands corrompus de la transition. Les investigations de TchadOne, basées sur des documents internes, des chèques et des comptes rendus, révèlent un réseau de malversations d’une ampleur considérable, alimenté par une impunité déconcertante. À peine une semaine après sa nomination, Abdallah Chidi octroie, sans appel d’offres, un contrat de 74 millions de FCFA à l’entreprise « Helewa Mardaï Sarl » pour la prétendue « réfection » du siège de l’ONAPE. Pourtant, des informations indiquent que le siège avait déjà été rénové six mois auparavant par le précédent Directeur Général. De plus, des recherches menées par TchadOne révèlent que « Helewa Mardaï » est une coquille vide, avec un site web fictif et un numéro de téléphone lié à Ahmat Chidi Djorkodeï, le frère d’Abdallah. L’entreprise « Helewa Mardaï » n’est qu’un prête-nom. Une recherche sur Internet nous a permis de découvrir un site web fictif et un numéro de téléphone : +235 68 68 68 99. Surprise, le numéro fait apparaître ce nom sur WhatsApp : Ahmat Chidi Djorkodeï, qui n’est autre que le grand frère du directeur Abdallah Chidi Djorkodeï (tous les éléments sont joints en photo). Le site web en anglais a été monté par Abdallah Chidi lui-même. 74 millions de FCFA ont été décaissés en liquide sans réels travaux de « réfection ».
Dans une autre affaire suspecte, Abdallah Chidi attribue un marché de 163 millions de FCFA à Data-Connect Tchad pour l’acquisition d’un logiciel, bien que le dernier audit de l’ONAPE confirme que l’ancien logiciel était fonctionnel. Ce marché, accordé sans appel d’offres, est lié à une entreprise fictive, créée par Abdallah Chidi lui-même. Des fonds colossaux, 163 millions de FCFA, sont décaissés pour une version piratée d’un logiciel grand public. Nos recherches montrent que Data Connect a le même profil que Helewa Mardaï Sarl : un site web avec des images volées et un numéro de téléphone injoignable.
Se sentant complètement impuni et disant à tout le monde qu’il a le soutien de Kaka et que tout cet argent sert la « campagne du patron », Abdallah ne s’arrête pas là. Il signe un autre marché fictif et inutile : le Contrat N°47/2023 octroyé à la société GEMT pour l’installation d’une dizaine de caméras de surveillance à la direction de l’ONAPE. Coût : 100 millions de FCFA. Toujours sans appel d’offres. Le coût réel de ces installations ne dépasse pas les 15 millions de FCFA. Malgré les avertissements de certains cadres et du ministère, Abdallah Chidi Djorkodeï fait fi de tout et continue à piller. Nos recherches sur GEM Technologie nous renvoient vers un site web avec des images de synthèse et trois numéros de téléphone. Le numéro français est inactif et l’adresse parisienne que GEM affiche sur son site appartient étrangement à une entreprise…funéraire. TchadOne a envoyé plusieurs messages aux numéros tchadien et sénégalais de GEM Technologie mais aucun des correspondants n’a répondu à nos sollicitations.
Complètement en roue libre, Abdallah Chidi Djorkodeï signe aussi un marché de 79 millions à la société « AAZ Sarl » pour l’achat de chemises à rabat. Une somme folle et un détournement qu’il ne prend même pas la peine de déguiser. Dans ses œuvres, le DG de l’ONAPE défie aussi le ministre de la fonction publique. Il signe le marché N°42/2023 d’un montant de 200 millions de FCFA pour la construction d’un bureau de l’ONAPE à Bardaï au Tibesti. Selon les sources TchadOne au Tibesti, Abdallah Chidi a bien appelé le gouverneur pour demander un terrain, mais jusqu’à là aucun travaux n’a été entamé et l’argent décaissé. Questionné sur cet « éléphant blanc », il répond aux responsables du Tibesti que le « marché a été arraché par le ministre de la fonction publique ». Au-delà des détournements dans les caisses de l’ONAPE, des sources TchadOne révèlent également des manœuvres douteuses impliquant des entreprises chinoises et Abdallah Chidi, visant à exonérer ces sociétés étrangères de taxes sur la formation professionnelle en échange de pots-de-vin. En tout et en seulement six mois, ce sont deux millards de fcfa qui ont disparu des caisses de l’ONAPE entre surfacturation et détournement
Toutes ces malversations sont le symptôme d’un système qui érige l’impunité et le clanisme en mode de gouvernance. Pendant ce temps, des milliers de jeunes diplômés croupissent dans la misère et le désespoir, d’autres quittent le Tchad à leurs risques et sur le chemin périlleux de l’exil. Ces milliards détournés auraient pu créer des milliers d’emplois, des dizaines d’incubateurs et de start-ups. « Tchad da avenir ma inda. Je vais manger ma part et partir » répète à l’envie l’ex-politico-alimentaire, et cela se matérialise. Selon nos informations, il aurait déjà acheté avec l’argent détourné un appartement en Égypte d’une valeur de 75 millions de FCFA. Aux dernières nouvelles, une mission de l’Inspection Générale des Finances séjourne à l’ONAPE. Mais, connaissant la nature du système, les inspecteurs seront soit corrompus soit mis sous pression pour classer l’affaire. Plusieurs dizaines d’autres documents internes à l’ONAPE sont entrés en notre possession au moment où nous rédigeons ces lignes, nous reviendrons avec un second volet.
Correspondance particulière TchadOne à Ndjamena.