Il y a tout juste deux ans, le général Idriss Youssouf Boy était arrêté et emprisonné pour le détournement de 120 milliards de FCFA de fonds pétroliers. Après quelques mois de prison, il a été libéré. Mahamat Kaka nous apprendra dans son livre De bédouin à président qu’il l’avait « pardonné » après avoir consulté un « croyant ». Le président nous apprenait également dans ce livre que son cousin et actuel directeur de cabinet à la présidence avait « remboursé » une partie des fonds volés. La justice étant « corrompue », selon Mahamat Kaka, c’était la seule solution.
Deux ans plus tard, son cousin et conseiller à la présidence Ali Timan Deby, M. Abdelkader Tidjani Koiboro, ex-secrétaire général du ministère de l’Agriculture (limogé depuis), et son frère Daoussa Idriss Deby (dont l’implication a été révélée récemment) sont accusés d’avoir détourné 9 milliards de FCFA destinés à l’achat de plus de dix mille tonnes d’engrais ( dossier révélé et largement couvert par TchadOne). Le secrétaire général du ministère de l’Agriculture a simplement été écarté par décret. Quant à Daoussa Idriss Deby et Ali Timan, ils sont toujours en poste. Selon deux sources recoupées par TchadOne, le président a opté pour le « pardon » après que ses deux « petits », qui se disent « orphelins », ont réclamé sa clémence. Cependant, le président aurait posé une condition : rembourser les 9 milliards. Tout cela serait sujet à un bon sketch si le pays ne courait pas une grave crise humanitaire. Il ne fait aucun doute que l’État ne recouvrera jamais ces sommes. La Haute Autorité de Lutte contre la Corruption, nouvellement créée, a été écartée de l’enquête. Selon nos informations, la présidence a chargé le conseiller Mahamat Saleh Abdeljelil d’importer quelques tonnes d’engrais.
Dans un contexte de crise humanitaire sévère, où les ressources devraient être consacrées au bien-être du peuple, ces pratiques révèlent l’urgence de séparer les affaires familiales de la gestion publique. Le « pardon présidentiel » ne peut et ne doit pas se substituer à la justice. La lutte contre la corruption nécessite une justice indépendante, libre de toute influence politique ou familiale, pour que les responsabilités soient pleinement assumées et les fonds publics effectivement recouvrés. Sans cette rupture, le Tchad ne connaîtra ni justice ni paix et les crises économiques et sociales risquent de s’aggraver.
Correspondance particulière TchadOne à N’Djamena