Par Rashan Oushi, Journaliste de la TV nationale Soudan
Khartoum, 19 octobre 2024 – Alors que le Soudan traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire, les ambitions des chefs de guerre continuent de croître, au détriment d’une véritable paix et d’une transition démocratique. Une réunion secrète, tenue récemment au domicile de Jibril Ibrahim, ministre des Finances et président du Mouvement pour la justice et l’égalité, a révélé la stratégie de ces groupes armés pour renforcer leur contrôle sur le gouvernement de transition.
Lors d’une réunion récente chez Jibril Ibrahim, ministre des Finances et président du Mouvement pour la justice et l’égalité, les dirigeants des mouvements armés signataires de l’Accord de Juba ont formulé des demandes exorbitantes. Ils réclament la moitié des postes ministériels stratégiques, notamment les ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur, des Finances et des Mines, ainsi que les postes de Premier ministre et vice-président du Conseil souverain de transition.
Selon Rishan, « Ces hommes ne veulent pas d’un Soudan libre et uni, ils veulent diviser pour mieux régner. Leur seul objectif est de tirer parti de la faiblesse du système pour se maintenir au pouvoir. » Les mouvements menacent de retourner à une position de neutralité et de reprendre les armes si leurs exigences ne sont pas satisfaites. Parmi les demandes faites au général Al-Burhan, ils ont réclamé 1 500 véhicules Land Cruiser, 4 drones, 1 500 mitrailleuses Dushka, 1 500 lance-roquettes RPG, 1 500 fusils d’assaut et 300 fusils de sniper.
« Ce ne sont pas des demandes pour la sécurité du pays, mais pour la sécurité de leurs privilèges », déplore Rishan, soulignant que ces revendications militaires renforcent leur emprise sur la transition et servent de levier pour obtenir des parts de pouvoir.
Des informations récentes révèlent que les mouvements de Minni Arko Minawi, président du Mouvement pour la libération du Soudan, et de Khalil Ibrahim Jibril, chef du Mouvement pour la justice et l’égalité, ont chacun reçu 70 millions de dollars du régime soudanais pour sortir de leur neutralité et s’engager aux côtés de l’armée soudanaise. Ce soutien financier, destiné à acheter leur engagement militaire, témoigne des relations transactionnelles qui caractérisent le conflit.
Rishan, journaliste de la télévision nationale soudanaise, avait déjà dénoncé les ambitions des chefs de guerre, mais cette nouvelle information renforce l’idée que ces dirigeants se battent moins pour la paix que pour leurs propres intérêts. « La guerre est devenue une affaire de transaction, et ceux qui se prétendent défenseurs de la nation sont en réalité les bénéficiaires des crises qu’ils prolongent », avait-elle déclaré.
Cette transaction financière met également en lumière la position ambiguë de Mahamat Déby, président tchadien. Bien qu’il entretienne des liens avec Minni Arko Minawi, chef du groupe « Toroboros » et ancien allié de son père, Mahamat Déby a choisi de ne pas s’engager dans le conflit soudanais à leurs côtés. Plusieurs sources rapportent que ce choix est en partie lié à l’engagement de Arko Minawi aux côtés de l’armée soudanaise en échange d’argent, ce qui atténuait la menace que ce dernier pourrait représenter pour la communauté Zaghawa du Soudan.
Selon ces mêmes sources, de hauts gradés Zaghawa occupent des postes importants au sein du commandement des Forces de soutien rapide (RSF), ce qui pourrait expliquer le maintien d’une certaine neutralité du regime tchadien dans cette guerre. « Les alliances sont fluides, et l’argent, comme les intérêts ethniques et politiques, redessine les lignes de conflit », analyse Rishan, soulignant la complexité de la situation dans la région.
Ainsi, alors que les combats s’intensifient, il devient clair que les forces en présence ne sont pas uniquement motivées par des considérations idéologiques ou nationales, mais par des enjeux de pouvoir, d’argent, et de survie politique.