Mini Arko Minawi, chef du Mouvement de Libération du Soudan (MLS), dans une interview accordée à RFI, a récemment confirmé la présence massive des tchadiens combattent à ses côtés à El-Fasher, dont le général de l’armée tchadienne Ousmane Dillo, un allié tributaire de liens ethniques. Selon Minawi, Ousmane Dillo « combat avec mes hommes à El-Fasher » et « n’est pas opposant au régime » tchadien, ce qui suscite des interrogations sur la véritable position de l’Etat tchadien vis-à-vis de l’engagement de ses « officiers » dans le conflit soudanais.
Le Mouvement de Libération du Soudan (MLS) dirigé par Arko Minawa, une milice tribale fondée en 2003 par le défunt président tchadien Idriss Déby, visait initialement à déstabiliser le régime d’Omar el-Béchir au Soudan. Aujourd’hui, Minawi se plaint de la neutralité apparente de Mahamat Idriss Déby, dit Kaka, et regrette que ce dernier n’utilise pas les moyens de l’État « au nom de l’ethnie » pour appuyer son mouvement. Par le passé, ces mouvements rebelles ont plusieurs fois intervenu pour « sauver » le régime de Deby contre les insurrections armées dont dernière en date le 18 avril 2021 contre le FACT.
Récemment, Tchadone a relayé un article de Rishan Oshi, journaliste de la télévision soudanaise, révélant que les mouvements de Minawi et de Khalil Djibril auraient été « achetés » par le régime soudanais pour se battre à ses côtés. Ces groupes recruteraient des Tchadiens pour renforcer leurs troupes dans les différents fronts au Soudan, bien que tous les recrus tchadiens ne partagent pas la même appartenance communautaire que Minawi. Des prisonniers récemment capturés par les Forces de Soutien Rapide (FSR) se sont identifiés comme ressortissants de Hadjer-Lamis, une région tchadienne distincte.
Ces révélations accentuent les accusations de double jeu portées contre le régime tchadien. Selon plusieurs sources, le gouvernement de Mahamat Idriss Déby fournirait un appui logistique aux Forces de Soutien Rapide (FSR), l’une des principales factions en guerre au Soudan. En parallèle, le régime laisserait certains officiers de l’armée tchadienne s’impliquer directement dans le conflit, en soutenant des milices tribales alliées de l’armée régulière soudanaise par l’envoi d’armes et de renforts humains. Ce double flux, à la fois de logistique pour les FSR et de soutien militaire pour les milices alliées au gouvernement soudanais, illustre l’ambiguïté des alliances entretenues par le Tchad dans ce conflit.
Minawi décrit un mouvement transfrontalier constant de combattants tchadiens, soulignant que « de nombreux Tchadiens vont et viennent » pour rejoindre ses forces. Cela met en lumière la porosité des frontières entre le Tchad et le Soudan, que N’Djamena semble tolérer, voire encourager. Officiellement, le régime tchadien nie toute implication dans le conflit soudanais et rejette les accusations de soutien aux FSR. Pourtant, les déclarations de Minawi sur le flux de combattants tchadiens et le soutien aux milices pro-soudanaises renforcent les soupçons de duplicité.
En revendiquant que ses combattants tchadiens, tels qu’Ousmane Dillo, ne sont pas des opposants au régime tchadien, Minawi semble vouloir minimiser les implications politiques de leur présence. Cependant, les accusations de soutien direct aux FSR et l’implication militaire indirecte en faveur des forces soudanaises laissent peu de doute quant aux ambitions régionales du régime tchadien. Ce double jeu, dans lequel N’Djamena appuie simultanément les FSR et les milices tribales rivales, risque d’aggraver l’instabilité dans la région tout en attisant les tensions autour du rôle ambigu du Tchad dans ce conflit.