Dans le tumulte du remaniement gouvernemental d’Allamaye II, la nomination de Youssouf Tom à la tête du ministère de la Justice est passée relativement inaperçue. Pourtant, elle mérite une attention particulière tant elle suscite des attentes majeures. Magistrat reconnu pour son intégrité, son sérieux et son engagement sans faille, Youssouf Tom s’est forgé une réputation rare dans un système judiciaire miné par la corruption et instrumentalisé par le pouvoir politique.
Son passage à la tête de l’Autorité Indépendante de Lutte contre la Corruption (AILC) a démontré sa capacité à mener des enquêtes sensibles malgré les obstacles structurels et politiques. « Youssouf Tom était empêché par des lobbys puissants d’enquêter où il voulait, c’est le propre du système », confie un fin connaisseur du sérail à TchadOne. Malgré ces entraves, il s’est illustré par des dossiers emblématiques, notamment l’enquête sur les détournements des fonds destinés à l’achat d’engrais et les pressions exercées sur les responsables pour l’exécution du marché.
Mais aujourd’hui, le défi est d’une toute autre ampleur. À la tête du ministère de la Justice, Youssouf Tom devra affronter les nombreux chantiers laissés en suspens. Le plus urgent demeure la mise en application des recommandations des États généraux de la Justice, organisés avec l’ambition de réformer en profondeur une institution gangrenée par l’impunité et la politisation des affaires judiciaires. Pourtant, ces résolutions, attendues comme un tournant pour l’indépendance et l’efficacité de la justice tchadienne, sont restées lettre morte.
Sa mission sera donc d’autant plus délicate qu’elle se heurte à un système enraciné dans des pratiques qui ont jusque-là résisté à toutes les tentatives de réforme. Mais au-delà des blocages institutionnels, sa nomination suscite un espoir : celui de voir enfin une volonté politique s’affirmer pour engager une refonte réelle du secteur judiciaire. Youssouf Tom, fort de son parcours et de sa réputation, aura-t-il les marges de manœuvre nécessaires pour traduire cette ambition en actes ? Seul l’avenir le dira.
Correspondance particulière, TchadOne, N’Djamena