Hier, TchadOne révélait un scandale financier d’une ampleur inédite : le détournement de milliards de FCFA initialement destinés à l’aménagement de pistes rurales et de ponts dans l’Est du pays. Aujourd’hui, de nouveaux éléments renforcent la gravité de cette affaire et exposent l’ampleur des pratiques de prédation des deniers publics au plus haut niveau de l’État.
Selon des documents procès-verbaux consultés par TchadOne, M. About Hachim, maire d’Amdjarass et attributaire du marché public, a déposé une plainte officielle contre le Général Idriss Youssouf Boy, ancien ministre directeur de cabinet à la présidence. Il l’accuse de lui avoir extorqué 11 milliards de FCFA, en affirmant agir sur instruction orale du Président.
Mais dans une ironie cinglante, le procès-verbal transmis à la Cour suprême révèle bien plus qu’une simple plainte : About Hachim avoue lui-même un délit plus grave encore, à savoir détournement de fonds publics et la corruption du proche collaborateur du chef de l’Etat. Le document dévoile également des tentatives de négociations familiales, illustrant la manière dont certains scandales de corruption sont étouffés dans des cercles privés plutôt que traités devant la justice. Plus grave encore : About affirme avoir échangé avec le président qui lui aurait confirmé qu’il n’a pas demandé les fonds. Le président au lieu de s’indigner d’une telle information et demander l’arrestation immédiate de tout le groupe, a eu cette réponse terrible : « Je n’ai pas demandé cette argent, demande à Idriss de te rembourser ». Comment un chef d’Etat peut-il parler ainsi comme un mafieux, et surtout qu’il s’agit de l’argent du peuple ?
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Le problème est d’une extrême gravité : ces fonds ne sont ni la propriété du président, ni celle d’About Hachim, mais bien des deniers publics. Si Idriss Youssouf Boy peut être poursuivi pour escroquerie, l’affaire doit être élargie à tous les responsables de la présidence , c’est tout le système qui doit être poursuivi.
Dès lors, la question se pose : la Cour suprême se contentera-t-elle de l’inculpation du général Idriss Youssouf Boy, ou osera-t-elle ouvrir une enquête plus large pour remonter aux véritables responsables ?
Il est difficile d’imaginer que le Président de la République ait pu ignorer un tel mouvement de fonds, orchestré par son plus proche collaborateur. Une source proche du dossier confie à TchadOne :
« Idriss Youssouf Boy a bien récupéré ces fonds sur instruction du président. C’était le même schéma lors du détournement des fonds de la SHT : Idriss Youssouf Boy exécute les opérations, et Mahamat Idriss Déby reste en retrait. Jamais Makambo ne prendra et encore moins n’utilisera 11 milliards sans l’aval du président. »
Dès lors, la justice osera-t-elle convoquer tous les protagonistes de ce dossier, ou se contentera-t-elle d’un simple bouc émissaire ?
Selon plusieurs sources, les pressions politiques se multiplient déjà pour limiter l’ampleur de l’affaire. Un informateur confie à TchadOne :
« Mahamat Idriss Déby ne permettra jamais l’ouverture d’une enquête plus large. Daoussa Idriss Déby et le Général Ismaïl Lony exercent une pression directe sur Samir Annour, président de la Cour suprême, pour limiter les poursuites à Idriss Youssouf Boy et épargner les autres responsables. »
Pendant ce temps, les infrastructures promises restent inachevées, les fonds publics se volatilisent, et les responsables bénéficient d’une impunité garantie par leur proximité avec le pouvoir.
Une autre source conclue :
« Mahamat Idriss Déby va laisser le groupe de Lony sacrifier Makambo, mais personne d’autre ne sera inquiété. L’argent ne sera pas restitué. Après quelques mois, tout le monde sera pardonné. »
Cette affaire illustre avec une clarté brutale l’effondrement de l’État de droit au profit d’un système où l’administration se confond avec une gestion clanique des ressources publiques. Le scandale n’a pas seulement révélé le détournement de dizaines de milliards de FCFA, il a surtout révélé la nature mafieuse du pouvoir, où l’argent du peuple est géré comme une caisse privée, où les décisions judiciaires sont prises dans des conciliabules familiaux, et où la responsabilité politique se dissout dans la protection des cercles proches du chef de l’État.
Ce n’est plus seulement un scandale financier, mais un mode de gouvernance : l’impunité n’est pas une dérive, elle est une règle. Au lieu d’un sursaut d’autorité pour sanctionner un crime aussi grave, le Président de la République lui-même adopte le langage du règlement de compte mafieux, suggérant à About Hachim de se débrouiller avec Idriss Youssouf Boy.
Face à cela, quelle justice peut encore se dire indépendante ? Quelle institution peut encore prétendre défendre les intérêts du peuple ? L’affaire Makambo n’est pas une anomalie : elle est la démonstration parfaite d’un pouvoir réduit à un clan, d’un État vidé de sa substance, où la corruption est un instrument de fidélité et non un crime.
Dans quelques mois, tout le monde aura oublié, les dossiers seront enterrés, l’argent ne sera jamais restitué, et les responsables retrouveront leurs postes. Au Tchad, la justice ne frappe que les faibles, et l’impunité protège les puissants.
Correspondance particulière de TchadOne à N’Djamena.